Gironde : un homme condamné à 20 ans de prison pour avoir tué son ex-compagne de 40 coups de couteau
COMPTE RENDU D’AUDIENCE- Condamné par les Assises de la Gironde, vendredi, Jean-Claude G. s’était acharné sur son ex-compagne, tuée de 40 coups couteau dans le visage et le dos. Il a plaidé l’amnésie durant les deux jours du procès.
Le Figaro Bordeaux
«Je demande pardon à la famille de Martine et à ma famille pour le crime que j’ai commis. Et je leur demande pardon aussi de ne pas me souvenir de ce qui s’est passé.» Les derniers mots de l’accusé sont à l’aune de son procès face aux Assises de la Gironde, jeudi et vendredi. Poursuivi pour le meurtre de son ancienne compagne, samedi 4 mai 2019, Jean-Claude G. a plaidé l’amnésie durant deux jours. S’il a reconnu et assumé les faits, il ne les a pas expliqués. Tuée de 24 coups de couteau au visage et de 15 coups couteau dans le dos avant que l’arme du crime ne lui soit plantée une dernière fois jusqu’à la garde, Martine G. avait été retrouvée par ses deux fils. Allongée sur le ventre, elle gisait dans une mare de sang, le couteau toujours planté dans le dos, au domicile de son ex-amant à Saint-Aubin-de-Médoc (Gironde). Ce dernier a été condamné à 20 de réclusion criminelle, vendredi. Une peine assortie d’une interdiction de détenir une arme pendant 10 ans et d’une inéligibilité durant 5 ans.
Les fils et le frère de Martine G., qui se sont constitués parties civiles, étaient présents au cours de ces deux jours d’audience, en larmes. Quatre ans après les faits, leur traumatisme demeure entier. Les parents de la victime étaient absents: ils sont morts peu après avoir appris le meurtre de leur fille. Frère, fils, nièce et belle-sœur, tous les vivants de la famille ont souhaité s’exprimer face aux jurés. «Je disais à mon mari : “Qu’est-ce que Martine fait avec ce garçon ?” Intellectuellement, ils n’avaient rien en commun. Elle était lumineuse et cultivée, et en même temps je me disais qu’il était normal qu’une femme divorcée ait besoin d’affection. Il n’était pas au niveau mais gentil», s’est remémoré la belle-sœur de la victime à la barre. Aucun d’entre eux n’aurait pu imaginer le crime effroyable qui se profilait.
Il n’y a pas eu un, deux ou trois coups de couteau dans un moment d’égarement et de haine. Non, il y a en a eu 40. Et l’accusé nous dit: “Je ne voulais pas la tuer” ? Il sait que c’est lui qui a tué Martine, mais il ne l’assumera jamaisMaître Arnaud Dupin, avocat de la famille de la victime
Violences conjugales
En couple depuis 2001, Martine G. et Jean-Claude G. ont entretenu pendant 15 ans une relation amoureuse dysfonctionnelle selon les expertises. Elle a été émaillée de crises. En cause : l’alcoolisme et l’addiction aux jeux d’argent, assumés par l’accusé. Des vices qui mèneront le couple au tribunal en 2006: ayant refusé une médiation car il préférait être traduit en justice après la plainte de son amante, Jean-Claude G. est alors condamné pour des violences conjugales, commises sous l’emprise d’alcool. «Maman était quelqu’un de bienveillant, qui, pendant des années, a essayé de vraiment l’aider. Je pense qu’ils ont été heureux, mais on lui disait quand même qu’il ne fallait pas qu’elle reste avec», a témoigné le fils de Martine G..
Une décision que la victime semblait être parvenue prendre. S’apprêtant à recevoir un héritage de 30.000 euros dont l’accusé avait connaissance, elle venait de déménager à Arcachon où elle souhaitait acheter un appartement et tourner la page. «Elle m’a raconté qu’elle avait vécu une relation avec un homme qu’elle qualifiait de pervers narcissique. Malgré cela, ils ressentaient le besoin de se voir de temps en temps. Pour elle, s’installer à Arcachon était l’occasion d’un nouveau départ», a ainsi relaté une voisine qui a été auditionnée.
Rupture
L’accusé et sa victime semblaient ainsi avoir rompu : il n’y a eu aucun contact entre eux pendant deux mois et demi avant le drame. Jusqu’à un appel de Jean-Claude G. à Martine G., le 19 avril 2019. Dix jours plus tard, il effectue des recherches sur le suicide. «Était-ce pour crier son besoin de secours ou préparer ce qui allait se passer ?», a interrogé Caroline Gaziot, l’avocate générale durant ses réquisitions. Rien ne permet d’établir une préméditation, tandis que le crime semble sans mobile. Jean-Claude G. est endetté, mais il est aussi toujours marié à son ex-femme: il n’aurait pas pu profiter de l’héritage à venir de sa victime. L’accusé, décrit par un premier expert comme narcissique et par un second comme traumatisé par l’abandon de ses parents durant son enfance, n’aurait-il pas supporté que Martine G. prenne ses distances ? La rupture paraissait consommée, a souligné le parquet.
Après une entrevue ayant donné lieu à une altercation physique, le 30 avril, Martine G. abandonne pourtant les valises qu’elle préparait pour rejoindre Jean-Claude G. à son domicile ce samedi 4 mai 2019. Selon l’accusé, elle devait le conduire afin qu’il fasse réparer sa voiture. Elle aurait fait le chèque, il l’aurait remboursée en espèces. Une transaction qui n’a jamais eu lieu. Les actions qui s’ensuivent, d’une violence inouïe et rare, même aux Assises, selon l’avocat des parties civiles, l’accusé ne les explique pas. «On aurait été trois, j’aurais dit que ce n’était pas moi», a-t-il déclaré pendant l’instruction. Avant d’arguer paisiblement face aux Assises de la Gironde, quatre ans plus tard: «Si je le savais, je vous le promets, je vous le dirai. C’est moi qui l’ai fait, pourquoi je mentirais ?»
«Cette amnésie ne lui apporte rien», a plaidé son avocat, Maître David Alexandre, «ce serait plus simple de mentir. Il n’a pas souhaité inventer d’histoires, parce qu’il assume le fait que ce soit lui qui l’a fait». La thèse d’une amnésie traumatique est toutefois réfutée par les experts médicaux. «Le narcissique veut toujours donner une bonne image de soi... Évidemment que quand on est dans l’horreur, il ne peut pas vous dire qu’à cet instant: c’est lui, le monstre», a rétorqué la partie adverse. L’avocate générale, Caroline Gaziot, en a déduit une volonté d’obstruction à la justice, caractérisée par sa longue cavale.
Fugue
Qu’il se souvienne ou non de son crime, l’accusé n’a en effet pas oublié de fuir le jour du meurtre. Après avoir tué de son ex-amante de 40 coups de couteau, Jean-Claude G. s’est lavé les mains, s’est changé, s’est parfumé à l’eau de Cologne et a fui dans la voiture de la victime. Dans le véhicule, abandonné à Montauban dès que son réservoir était vide, les enquêteurs retrouveront son téléphone, ses affaires personnelles et deux lettres laissant à penser qu’un tiers l’aurait poussé au pire. Il faudra près de 8 mois pour le retrouver. Un laps de temps durant lequel l’accusé errera sans jamais utiliser un moyen de paiement permettant de le tracer.
«Cela induit une certaine réflexion», a souligné Maître Arnaud Dupin, l’avocat des victimes, dans sa plaidoirie. Avant de tonner: «Il n’y a pas eu un, deux ou trois coups de couteau dans un moment d’égarement et de haine. Non, il y a en a eu 40. Ça dure. Cinq à dix minutes, jusqu’à ce qu’elle se retrouve au sol en train d’agoniser. Elle est défigurée. Et l’accusé nous dit: “Je ne voulais pas la tuer.” ? Il sait que c’est lui qui a tué Martine, mais il ne l’assumera jamais.» Une conviction partagée par le parquet, qui avait requis une condamnation de 20 ans de prison sans mesure de sûreté au regard des 65 ans de l’accusé. Il encourait une peine maximale de 30 ans de réclusion criminelle.